(M/LIBRE) once you cross the line

kahina se tient debout face à la foule. elle n'est pas seule. des esclaves il y en a tellement qu'on ne saurait dire combien exactement. la princesse déchue va devenir rebut. jamais plus, elle ne reverra la couleur de la méditerranée, ne sentira le sable chaud sous ses pieds. la poupée métissée attend que sa sentence arrive. et elle regrette. elle regrette d'avoir pensé qu'elle pourrait y arriver. la sorcière s'en veut de ne pas honorer ces parents décédés. mais elle préfère être au service d'un pur pendant des années plutôt que de s'ajouter aux conquêtes du tsar. kahina regarde les sorciers partir les uns après les autres auprès de leur nouveau maître. et enfin son tour arrive. une sorcière qui nous vient de l'orient. admirez la marchandise. une perle rare, une occasion qui ne se représentera pas deux fois. et on la malmène. on lui tire le bras. on l'a fait tournoyer pour admirer ses courbes, sa peau dorée, sa chevelure ondulée. les sorciers se battent. ils sont prêts à débourser des sommes astronomiques. et la poupée ne saisit pas pourquoi. et finalement, un acheteur proposa un prix qui ne fut pas renchéri. ses iris noisettes se posent alors sur l'heureux élu. il est jeune, charismatique. mais la princesse ne se laisse pas influencer. elle entend simplement son nom crié par le vendeur. maxim aakjaer, vous pouvez disposer de votre marchandise ! et on la pousse vers cet homme qu'elle ne connait pas. il n'a pas l'air hostile. mais la poupée métissée est encore une gamine naïve. vêtue d'un simple tissu, il dépose une cape sur ses frêles épaules. je suppose que vous devez avoir froid ici, ça ne ressemble en rien à votre pays. elle hoche la tête, incapable de prononcer un seul son. et elle se contente de suivre cet inconnu qui subitement lui paraissait être sa rédemption.


kahina plie soigneusement le parchemin. avant de lever la paume de sa main. et le papier finit par brûler alors que l'incantation glisse entre ses lèvres rosées. la poupée métissée observe d'un regard éprouvé les quelques mots se consumer. elle ne sait pas comment son amie a deviné qu'elle était en vie. comment elle a réussi à lui glisser cette lettre. kahina ne comprend pas mais elle ne veut pas. elle ne retournera pas chez elle. elle ne peut pas. la princesse déchue devenue rebut. une simple esclave parmi tant d'autres. une poussière dans l'univers. au service des aakjaer, la poupée métissée s'est effacée, estompée. elle a été vendue comme un vulgaire animal, du bétail. sa vie n'est plus rythmée que par les coups de fouet qui claquent au creux de ses oreilles. la princesse ne peut refuser aucune tâche, aucune requête sous peine de lâcher son dernier souffle. mais elle a entendu, elle a su que certains s'étaient rebellés, qu'ils avaient quitté leur seigneur. alors elle s'est prise à rêver, à imaginer sa vie en dehors de la vieille demeure. seulement, la gamine n'est rien, elle n'a plus d'honneur, plus de titre de valeur. elle n'est que débris parmi la galaxie. kahina le repas ! la sorcière essuie les traces des larmes sur ses joues innocentes. et elle se dépêche d'aller satisfaire ses maîtres. voilà monsieur aakjaer. lui glissait-elle alors que la gamine servait les mets exotiques dans la porcelaine asiatique. elle s'empressait de reculer, de s'effacer, de se poser dans un coin reculé de la pièce. les yeux baissés, directement vissés sur ses pieds, la poupée a compris depuis deux années qu'elle était sa place. mais alors qu'elle relève son doux visage, elle ose planter ses iris noisettes dans ceux du fils aîné, maxim aakjaer. il ne ressemble en rien à son paternel. et kahina s'est prise d'affection pour le sorcier. elle repense à ses doigts caressant sa peau dorée. sa chevelure de jais bouclée frôlant le visage de l'être aimé. les joues de la princesse rougissent alors que de telles pensées viennent à gagner son esprit. et de nouveau ses prunelles se posent plus bas que terre. et la gamine repart vaquer à ses occupations d'aliénée. les heures défilaient et la princesse arrivaient au terme de son travail pour la journée. puis un cri, un cri strident, puissant venait transpercer ses tympans. kahina connait ce son. elle l'entend, elle le ressent dans ses visions. le maître est décédé ! les autres esclaves ne cessaient de répéter ces quelques mots. mais la princesse ne réalisait pas. elle ne pensait qu'à lui, maxim. et puis vient le soulagement. le paternel est tombé mais l'aîné n'a pas bougé. plusieurs esclaves prirent leur liberté et quittèrent la propriété. kahina ne savait pas. elle avait envie de partie elle aussi. mais l'idée d'abandonner l'être aimé ne lui plaisait pas. et elle repensait à ce qu'elle était. avant tout ça, avant d'en être arrivée là. elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas renier sa véritable personnalité, sa destinée. la sorcière se dépêcha de rassembler ses affaires. et pour affronter le froid, elle vola une cape de fourrure à l'épouse du maître. et puis elle s'envole vers de nouveaux horizons. un seul et dernier regard en direction de son passé. et elle intercepta le regard du sorcier. des secondes paraissant des heures. et la poupée finit par enfin s'échapper.